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Climats
C’est l’automne. Si, si, ne comptons pas sur le temps qu’il fait pour nous l’apprendre, du reste qu’a encore à nous dire, par les temps qui courent, le temps qu’il fait ?
Fions-nous plutôt aux libraires, dont les tables, dès la semaine dernière, ont accueilli les premiers ouvrages de cette rentrée, la douzième pour ce blog.
Parmi eux, certains dont on parle déjà beaucoup… Il y en a d’autres, inévitablement, dont on parlera moins, et dont certains mériteraient qu’on en parle pour le moins autant.
Plutôt que d’énumérer des thèmes, essayons de repérer des tendances, susceptibles de nous renseigner sur l’évolution du genre qui m’occupe surtout : le roman.
D’abord, si j’en juge à ce que j’ai lu ou qui figure encore sur ma pile, l’air du temps est décidément aux gros livres. Plusieurs d’entre ceux que je compte évoquer comprennent plus de 400 pages, et l’un flirte avec les 600. Les auteurs ne doutent de rien, qui sont sûrs de ne pas perdre le lecteur en route sur pareilles distances… Il est vrai qu’il s’agit parfois de romans choraux, envisageant franchement de peindre une époque (Le Pion, Paco Cerdà, La Contre Allée ; Sud, Antonio Soler, Rivages – tiens, deux Espagnols).
Plus modestement, si j’ose dire, l’autobiographie, quel que soit le nom qu’on lui donne, persiste. Elle croise parfois l’Histoire, comme dans Nous, les Allemands, d’Alexander Starritt, chez Belfond (la Seconde Guerre mondiale vue du mauvais côté, sur le front russe) ou Le Tumulte, de Sélim Nassib, au Seuil (Beyrouth, bien sûr).
Parfois aussi elle se contente d’adopter les détours, décalages et ruses habituels : Tenir sa langue, de Polina Panassenko, à l’Olivier (une enfance entre russe et français), Vivance (David Lopez, de retour à vélo sur les routes de France ; Seuil), Un chien à ma table (Claudie Hunzinger, à l’écoute du monde depuis, toujours, son ermitage vosgien ; Grasset), Totalement inconnu (Bourgois), où Gaëlle Obiégly poursuit son entreprise singulière…
Par ailleurs, l’intérêt pour le roman biographique (quel que soit le nom…, etc.) ne faiblit pas. Nous aurons ainsi Le Pion (Paco Cerdà, La Contre Allée – un joueur d’échecs), Robert de Niro, le Mossad et moi (Paule Darmon, L’Antilope – un espion israélien), Un Noël avec Winston (Corinne Desarzens, La Baconnière – vous voyez qui).
Cependant, l’imaginaire ne perd pas ses droits. La preuve : Quelque chose à te dire, thriller psycho-littéraire de Carole Fives, chez Gallimard ; Notre si chère vieille dame auteur, d’Anne Serre, au Mercure de France (inclassable et ludique, comme toujours) ; La Dissociation, premier roman de Nadia Yala Kisukidi, au Seuil, qui conte les aventures d’une naine chez les zonards ; La Leçon du mal, ou l’horreur au lycée, de Yûsuke Kishi, chez Belfond ; Sud, d’Antonio Soler, tissu de fictions sur fond de canicule et de désarroi urbain, chez Rivages.
On en vient à l’apprécier, l’imaginaire… Il nous repose de l’étrange obsession de l’histoire vraie, et, bien souvent, est plus vrai qu’elle. Vous allez dire que je prêche pour ma paroisse, moi qui mets en scène le diable dans un roman à paraître en octobre (Faust à la plage, aux éditions Vendémiaire, voir ici). Vous n’aurez pas tort : l’être humain est ainsi…
Bonne rentrée, bonnes lectures,
P. A.
Tags : rentrée 2022, roman biographique, autobiographie, roman
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Commentaires
Hélas sur les tables automnales, Anne-Marie Garat ne sera pas présente. Elle vient de mourir, trop tôt, trop vite. Pour moi, qui correspondais depuis de nombreuses années avec elle, à qui elle offrait ses derniers romans avant même qu'ils sortent en librairie - quel merveilleux luxe...- elle est et restera celle qui m'embarquait complètement lorsqu'elle parlait de son écriture, de la littérature, de la fiction, du romanesque, de l'imaginaire...Je l'ai rencontrée plusieurs fois, elle était passionnante à écouter. Je crois avoir tout lu d'elle, j'ai tout aimé, c'était à chaque livre un tel plaisir, un tel voyage. J'adorais son écriture. Nous partagions nos lectures préférées, je lui faisais absolument confiance. Elle incarnait tout le bonheur qu'apporte la fiction au lecteur. Des romans au creux desquels on était infiniment à l'abri, infiniment oublieux de tout le reste.